La revue L’Histoire rend compte d’Indocile
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« Planter des étoiles dans le ciel »

Mercredi 15 octobre 2025

Indocile, Esther Benbassa, Cerf, 2025, 308 p., 22 €.

Difficile de définir Esther Benbassa, Juive athée, Française conservant un accent de sa jeunesse turque, née à Istanbul, grandie à Tel Aviv, installée à Paris, cosmopolite assumée et même revendiquée. De son père, elle tient la certitude que l’éducation constitue une richesse inestimable et elle mettra tout au long de sa vie autant d’énergie à apprendre qu’à enseigner à ses élèves puis à ses étudiants, les aidant à se hisser à leur meilleur niveau. De sa mère, elle hérite les secrets de la cuisine judéo-espagnole qu’elle rassemble dans un livre – le seul épuisé de cette universitaire renommée, avoue-t-elle avec humour…

L’autobiographie, qu’elle a rédigée une fois sa retraite officielle prise, est à son image, mêlant souvenirs personnels contrastés et itinéraire intellectuel et politique finalement très tôt liés : son enfance et son adolescence « cabossées », et les émigrations successives l’ont littéralement « déroutée » mais ont aussi nourri son insatiable curiosité.

Polyglotte qui « habite toutes les langues sans les posséder », qui fait du « souci de l’autre un des vecteurs de [sa] conduite », qui reconnaît pouvoir se tromper mais ne pas savoir tricher, elle a très tôt refusé de n’être qu’une savante. Elle est devenue, comme le lui enjoignit Pierre Vidal-Naquet, qui bouleversa sa vie et ses engagements, une intellectuelle dans la cité, par son enseignement, ses prises de position publiques, ses tribunes et bien sûr ses mandats de sénatrice écologiste. Dans cette fonction, elle s’empara résolument des dossiers les plus sensibles, discriminations, prisons, centres de rétention, droits des migrants, prostitués, LGBTQ+, reconnaissance des événements de 1961, légalisation du cannabis et bien d’autres.

Elle revient sur ses erreurs, ses doutes, les trahisons et lâchetés qui l’ont blessée, les rencontres et hasards qui l’ont ravie, dont bien sûr celle de Jean-Christophe Attias, historien du judaïsme qu’elle épousa en 1988, la difficulté aussi à être une Juive soutenant la cause palestinienne, assommée par les massacres du 7 Octobre, révoltée par l’horreur endurée par les Palestiniens, mais qui, inlassablement optimiste, nous incite à planter « des étoiles dans le ciel avant que les nuages ne nous envahissent pour longtemps ».